Né dans le Nord en 1969, Freddy Jacotot fut d'abord un étudiant brillant et un sportif de haut niveau : marathon, cross, VTT, course cycliste (il avait deux Shimano et une barque sur l'étang de Palluel)
Il
peignait également. Mais, insatisfait, il détruisit tous ses
tableaux, dont je n'ai pu faire que quelques mauvaises photos à la
sauvette.
Dans
les années 2000, concentrant son champ de vision avec le 100mm, il
traite en couleurs les reflets, les brumes, le résultat
de la lumière, traçant des croquis annotés de ses cadrages. Un jour
il capte une feuille tombée à la surface d'un étang. Le lendemain,
elle repose sur le fond. Huit jours plus tard, des aigrettes de glace
servent de cadre à sa décomposition. On pense aux ''Trois
mondes''
de M.C Escher. Ce n'est pas la tige solitaire émergeant de l'eau
-simple point de repère pour l'oeil- qui l'intéresse, mais ce que
fait la lumière sur l'eau, tout autour de cette tige. Puis, il n'y a
plus de tige, plus de point de repère, seulement la lumière, la
couleur, les reflets et les ombres de choses vagues hors-champ.
Au-delà de la feuille ou du givre, c’est la lumière pure et ses
mille manifestations fugaces que cherche à saisir Freddy.
Ecoutons-le :
« Dans
les étangs et rivières des confins de l’Artois, j’essaie de
montrer une nature colorée, belle et étonnante. L’imaginaire, ma
rêverie ne m’ont jamais quitté depuis l’enfance. Alors, avec
cet œil, je capte des signes, des couleurs entremêlées, en
espérant y voir quelque bribe d’un songe.
A
l’aide de reflets dans et sur l’eau, d’effet de miroir, de
matière, de lumière concentrée en force, l’apport du vent, le
flou, le gel, le sujet donne parfois une impression de mouvement, de
vitesse, d’accélération. Il peut y avoir une relative
déstructuration du motif par les conditions particulières de prise
de vue. Le but est d’entrer complètement dans le secret de la
lumière afin que celle-ci s’approprie le premier rôle dans un
sujet seulement ébauché, une ''lumière-sujet'' en quelque sorte »
Puis
vint la maladie. Chômeur de longue durée sans ressources, il
habitait une vieille maison qui se dégradait, et prenait soin de sa
vieille mère percluse.
En 2019, la découverte du smartphone lui
permit de nouvelles recherches graphiques à moindre coût. Dans ces
nouvelles photos je vis, mois après mois, la sublimation du
processus destructeur qui l'habitait : objets brûlés, métaux fondus, suppression du réel au seul profit de formes et couleurs
insaisissables et, pire, ses autoportraits le montraient s’effaçant,
disparaissant, jusqu'à n'être plus que l'ombre de lui-même.
Un
jour d’avril 2022, sa mère me téléphona.
Il avait combattu
pendant dix années.
Adieu, mon ami.
Bruno Escudié
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